Lors du Café entrepreneur du 19 avril, Yannick Brussetti, Chargé d’affaires et juriste à l’INPI, est venu présenter aux startups du Tarmac les outils de la propriété intellectuelle (PI) qui permettent de protéger et valoriser les innovations non brevetables ou non brevetées, ainsi que le savoir-faire dans une démarche d’innovation.
Car, comme il le rappelle, une entreprise n’a pas vocation à déposer des brevets, mais bien de faire du business et de générer du chiffre d’affaires ! Pour cette raison, il a expliqué aux participants qu’il pouvait se montrer parfois plus opportun et, surtout, plus souple pour une startup de maintenir le secret, au lieu de déposer un brevet. Dans ce cas, il s’agit de mettre en place des mesures organisationnelles, humaines et juridiques pour prouver l’antériorité d’un secret et pouvoir conserver la liberté d’exploitation.
Pour sécuriser le cadre juridique et pouvoir prouver de manière incontestable qu’à une date donnée, la personne disposait de certaines informations (preuve de création), Yannick Brussetti a présenté 3 outils :
Le cahier de laboratoire
Ce cahier permet de matérialiser les connaissances et de les consigner par écrit (date et intitulé des travaux. Il sert à décrire précisément les différents travaux réalisés jours après jours :
- Relevés de mesures et conditions d’obtention,
- Hypothèse de travail formulée clairement,
- Interprétations et commentaires sur les manipulations réalisées, etc.
Pourquoi utiliser ce cahier de laboratoire ?
Son objectif est de garantir la traçabilité des résultats de recherche afin de démontrer qu’on est à l’origine d’une connaissance. Il permet également de capitaliser le savoir-faire et de faciliter la transmission. Il est particulièrement recommandé pour les entreprises accréditées CIR.
L’inconvénient : il est nécessaire de faire signer régulièrement un témoin, soit une personne de l’entreprise qui ne travaille pas sur le sujet, soit un tiers, susceptible de comprendre le contenu technique.
Le conseil de Yannick : mieux vaut avoir l’habitude de consigner par écrit les différentes étapes de ses projets, sinon cet outil devient vite une contrainte plus qu’une opportunité.
L’enveloppe Soleau
Du nom de son créateur Eugène Soleau, elle permet de fixer de façon certaine la date d’une idée ou d’une invention pour un coût modique (15€). L’inventeur décrit son invention et en dépose une copie dans chacune des deux parties de l’enveloppe qu’il adresse à l’Institut National de La Propriété Industrielle. L’INPI l’enregistre, perfore les deux exemplaires, en retourne un au déposant et conserve l’autre cinq ans (prolongeable une fois).
Pourquoi utiliser l’enveloppe Soleau ?
Pour faire valoir votre droit d’auteur, qui protège les œuvres artistiques, mais aussi, les logiciels. Elle permet de dater, tout en gardant le secret, vos projets et vos inventions en cours (concept d’entreprise ou de service, procédés, méthodes de fabrication…) :
- avant de contacter un futur partenaire financier ou commercial, si l’idée ou le projet n’est pas encore concrétisé, et de négocier des accords confidentiels mentionnant l’enveloppe ;
- avant de déposer un brevet d’invention, si l’inventeur souhaite achever la mise au point de son projet ;
- en phase de recherche et développement, pour protéger les travaux et minimiser les conséquences d’éventuelles indiscrétions ;
- etc.
L’inconvénient : Le dépôt d’une innovation sous enveloppe Soleau ne confère à son titulaire aucun droit privatif, ou monopole d’exploitation, sur les éléments objets du dépôt. Il permet uniquement de donner une date certaine à ces éléments et ne constitue pas un titre de propriété industrielle.
Les conseils de Yannick : Prévoyez un 3ème exemplaire pour pouvoir l’archiver et vous souvenir de son contenu car vous ne devez en aucun cas décacheter l’enveloppe. Faites-vous un outil de gestion : date de dépôt, renouvellement, etc. Si vous êtes en mode projet, il est plus judicieux d’utiliser la méthode enveloppe e-soleau, une nouvelle démarche rapide, clé en main, vous permettant de bénéficier d’un archivage sécurisé et certifié AFNOR (norme NF Z 42-013 marque NF 461) !
Le dépôt APP (Agence pour la Protection des Programmes)
Particulièrement intéressant pour les logiciels, cet outil est simple et efficace pour valoriser votre patrimoine immatériel et mettre en place une stratégie probatoire pour la défense de vos droits d’auteur.
Le dépôt de vos créations numériques auprès de l’APP consiste à :
- matérialiser l’étendue de vos droits de propriété intellectuelle en datant et enregistrant l’ensemble des éléments composant votre création
- faire régulièrement des mises à jour du dépôt initial pour accompagner les évolutions majeures de vos créations.
Pourquoi utiliser le dépôt APP ?
- Prouver vos droits en mettant en place une stratégie probatoire dès la naissance de la création et tout au long de ses évolutions. En effet, cette procédure date et matérialise vos créations à chaque évolution majeure dès lors que vous effectuez régulièrement des mises à jour du dépôt initial. Votre création est mise sous scellé et peut donc être expertisée lors d’un litige afin de prouver l’atteinte à vos droits de propriété intellectuelle.
- Valoriser votre patrimoine immatériel: Le certificat émis par APP peut être utilisé lors de vos négociations contractuelles afin de lister vos droits et peut être annexé, par exemple, à vos actes de cession ou de transfert d’actif.
- Sécuriser vos relations contractuelles: Vous pouvez prévoir contractuellement la possibilité pour certains de vos clients d’accéder aux éléments sources déposés sous certaines conditions. Vos clients ou partenaires sont rassurés sur la pérennité de leur investissement en cas de défaillance de votre part. Vous restez le seul et l’unique titulaire des droits.
L’inconvénient : En plus du coût du dépôt, il faut compter une adhésion annuelle à l’APP.
Le conseil de Yannick : étudiez la formule la plus adaptée à chaque dépôt car certaines formules incluent une assistance juridique.
Dans tous les cas, s’il est nécessaire de communiquer…
- Bien réfléchir aux informations qui seront transmises dans le but de communiquer utile
- Transmettre le strict nécessaire permettant de mener à bien ses relations
- Avoir des contrats de confidentialité rédigés au cas par cas mentionnant les informations qui devront être gardées confidentielles et les personnes tenues à la confidentialité, la fin du contrat…
En conclusion, plus vous ferez grandir votre culture PI, plus vous saurez utiliser efficacement les différents outils de la PI et bâtir une stratégie pertinente. L’INPI a mis en place des aides spécifiques, ainsi que 3 dispositifs d’accompagnement pour répondre à cet enjeu : Booster PI, Pass PI et la Masterclass PI. « Il faut voir la Propriété Intellectuelle comme une boîte à outils dans laquelle le créateur d’entreprise peut piocher pour protéger ses innovations », conclut Yannick Brussetti.
